Essai de la Ferrari Roma. La marque au cheval cabré ajoute une corde à son arc, et les attentes sont grandes pour les clients comme pour les amoureux de Maranello.
A la fin des années 60, Enzo Ferrari était un grand défenseur des voitures à moteur avant, avec pour argumentation que les chevaux tirent le char et non l’inverse. A l’époque, la Daytona confrontait son architecture classique de GT à sa concurrente directe la Lamborghini Miura à moteur arrière. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis et la gamme Ferrari offre les deux dispositions de moteur depuis belle lurette.
Les modèles présentés ces dernières années par Ferrari ont fait la part belle à la technologie, l’avant-gardisme et les liens avec la Formule 1. La SF 90 en est le parfait exemple, avec une technologie hybride de pointe, et un design futuriste. Cependant les amateurs de belles lignes sensuelles ne doivent pas être oubliés et c’est dans ce contexte qu’apparaît la Roma. A la base on aurait pu s’attendre à une Portofino Coupé, mais il n’en est rien puisque les galbes de la carrosserie n’ont rien en commun. Le concept proposé ici est donc axé sur les sensations et le plaisir, ainsi que l’expérience, plus que la recherche des performances absolues.
Caractéristiques
L’architecture à moteur V8 turbo en position centrale avant est reprise directement de la Portofino. Le moteur est placé longitudinalement avec un arbre de transmission central et une boîte à vitesse arrière à double embrayage. Cette dernière a 8 rapports, dont les deux derniers allongés pour plus de confort sur les longs trajets. Les caractéristiques de puissance et de couple sont légèrement améliorées par rapport à la Portofino originale, mais cette dernière est déclinée désormais en version M et a rattrapé son retard. Le couple culmine à 760 Nm, disponible entre 3000 et 5750 tr/min, et la puissance maximum est de 620 ch entre 5750 et 7500 tr/min. Ceci démontre l’excellente gestion des moteurs turbos par Ferrari, en modulant la pression afin de conserver une sensation proche d’un moteur atmosphérique. La cylindrée de 3855 cm3 est la même que l’on retrouve dans la Portofino et feu la Lusso T. Remarquons par ailleurs que ce moteur turbo a fait son apparition dans la California T, et l’on retrouve un moteur très proche dans la 488, F8, Pista et SF90. Il possède maintenant un filtre à particule pour respecter les normes Euro6D actuellement en vigueur.
La masse annoncée de 1570 kg en ordre de marche est probablement plus élevée en norme DIN, mais ce chiffre n’est pas annoncé, par coquetterie probablement. Notons quand même qu’il est inférieur de 100 kg par rapport à la Portofino et que la répartition de ce poids sur les essieux est idéale avec un ratio de 50/50. Les voies sont également élargies par rapport à sa cousine découvrable, et les ressorts arrière 10% plus souples.
Extérieur
La carrosserie arborée par cette Roma est remarquable et nouvelle. Il s’agit vraiment d’un modèle à part entière, et il est très difficile de trouver une similitude avec quelque autre modèle de la marque. Le nez est celui du squale, l’avant est tendu avec un long capot et des ailes proéminentes. Les flancs sont très galbés et la ligne de toit fuyante, bien qu’il s’agisse d’un coupé 2+2. L’arrière est lui aussi très particulier, avec une ligne haute qui court sur toute la largeur sous la lunette, incluant les feux qui ne sont plus ronds mais restent dans l’esprit. Notre exemplaire du jour arbore une teinte « Extra-Range » Blu Corsa. La taille des jantes est forcément en 20 pouces, en option seul le design et la couleur changent.
Intérieur
Cuir de qualité, surpiqûres, l’intérieur de la Roma mélange des matériaux haut de gamme avec une disposition unique. La rupture avec la Portofino est marquée. Le conducteur est entouré d’un tableau de bord panoramique qui se jette dans les portes et la console centrale flottante. Il fait face à un groupe de jauges géantes entièrement numériques sur un écran de 16 pouces qui répond aux commandes tactiles avec retour haptique du volant à fond plat et comme toujours des palettes fixes. Le passager bénéficie également d’un écran (en option) qui délivre nombre d’information, et que l’on a découvert dans la gamme Ferrari avec la FF. Les sièges arrière offrent un espace adapté aux adultes sur de courtes périodes tant que les sièges avant sont correctement réglés. Mais cela reste étriqué et à considérer comme solution de secours.
Contrairement à la plupart des autres modèles Ferrari, la Roma a une grande section centrale, mais ne vous attendez pas à ce que son espace de rangement intérieur soit abondant. La console numérique centrale permet de commander la climatisation ainsi que les sièges, et tout ce qui est lié au multimédia et à la voiture. Les commandes tactiles du volant ne m’ont pas convaincu dans leur utilisation, en revanche de petites molettes qui se trouvent derrière le volant pour les fonctions audio de base sont bien pensées. A noter une très bonne décision, le pavé tactile permettant de naviguer les différentes sections de l’affichage est désactivé en roulant.
Le volant intègre toutes les commandes habituellement accessibles par des commodos de chaque côté. L’avantage de cette configuration est que les palettes fixes de changement de vitesse sont ainsi idéalement positionnées et tombent naturellement sous les doigts. La prise en main de cette configuration s’avère simple l’ergonomie de tous ces boutons est bien conçue.
Conduite
Lorsque je m’assois à bord et que je regarde à l’extérieur, je pense à la Corvette. Les ailes avant bombées, le capot long et creusé me rappelle ces carrosseries en forme de bouteille de Coca-Cola des années 70. Mais cette impression est de courte durée car l’ensemble de cette Roma fait très moderne et actuel. Une fois que vous êtes parti et que vous roulez à presque n’importe quelle vitesse, la Roma fait une excellente première impression. Comme toutes les Ferrari modernes, elle a une direction très directe et il faut un certain temps pour s’y habituer. Mais la facilité de prise en main et le confort remarquable est impressionnant sur les premiers kilomètres. Nous traversons des villages et évoluons en campagne à la recherche de routes sinueuses.
Arrivés au pied du col du Molendruz, nous pouvons alors juger d’une réponse du châssis beaucoup mieux adaptée à sa direction rapide, et sa maniabilité est donc beaucoup plus naturelle. Vous pouvez juger et traiter l’influence que vous avez sur les roues avant de manière très intuitive et placer la voiture avec beaucoup de confiance. Le roulis est maîtrisé parfaitement, les montées de col s’enchaînent.
Et cette Roma se sent très bien sur un col de montagne serré, parfois cahoteux, comme ceux du Jura Vaudois que nous avons recherché pour nos tests et nos photos. Malgré une monte pneumatique hivernale en Pirelli SottoZero la voiture rentre dans les épingles à cheveux avec une empressement et une inscription très naturelle mais vraiment rapide. En mode « Race » l’électronique permet un certain angle de dérive à l’accélération, sans se montrer intrusif. C’est remarquable de mise au point, et personnellement c’est la première fois que je ne ressens pas cette intervention en dérive. Entendons bien que la direction n’était pas en butée, mais tout-de-même. Et ceci de manière répétée, toujours avec cette même finesse.
Notre véhicule d’essai était équipé du système de tarage des amortisseurs variable Magneride (en option). Contrairement à de nombreux véhicules, la différence entre les modes est marquée et apporte un vrai plus pour rendre la Roma versatile. Très confortable en mode Confort, et contenant beaucoup mieux le châssis en mode Sport ou Race. On remarque cependant en attaquant fort le tarage relativement souple des ressorts, qui contraste avec les modèles typés plus agressifs de la marque. A mettre en perspective avec la vocation de GT cela est parfaitement juste à notre avis.
La boîte quant à elle, toujours à double embrayage est dotée maintenant de 8 rapports, excelle et démontre le savoir-faire de Ferrari depuis la 458. A noter que le dernier rapport permet maintenant d’effectuer de longs déplacements avec une consommation réduite et moins de décibels. Par ailleurs, en parlant de sonorité, cette Roma n’est pas, et de loin, la plus bruyante de la gamme. Et c’est tant mieux. Sur autoroute par contre, en sélectionnant le mode confort le silence est remarquable et plus proche d’une berline que d’un coupé.
Conclusion
Ce serait certainement une erreur de rejeter la Roma au motif qu’il ne s’agit que d’une Portofino à toit fixe ou de la dernière version de “cette Ferrari qui était censée être une Maserati”. Croyez-moi, cette voiture est beaucoup plus importante que cela. Il y a un sentiment clair que le V8 d’entrée de gamme moderne de Ferrari atteint enfin son potentiel avec la Roma, à la fois esthétiquement et dynamiquement. Nous avons été séduits par la qualité et la finesse des réglages du châssis, le dosage des actions des différents systèmes est remarquable et démontre l’expertise de la marque.
Ferrari s’est donné les moyens d’élargir sa clientèle en proposant une GT qui peut attirer de nouveaux adeptes à la marque. Utilisable et suffisamment arrondie pour en profiter n’importe quel jour de l’année, et lors de toutes sortes de voyages et d’occasions, il s’agit d’une véritable Ferrari GT d’un genre sympathique, attachante et moderne comme nous n’en avons pas vu depuis longtemps.